Il est des rencontres ou des messages que l’on n’oublie pas. Celui que nous avons reçu de la part de Lola Lucas, élève en classe de 3e au collège Ariste-Jacques Trouvé-Chauve à La Suze-sur-Sarthe (72), le 6 janvier dernier en fait résolument partie. L’objet de son email : « La gravité de la sexualisation de la femme ».

Lola aura 15 ans en juin prochain. Et pourtant, malgré son jeune âge, elle nous a tout simplement touché·e·s et épaté·e·s par ses mots, à la fois justes et sincères, et surtout par son étonnante maturité.

Collégienne et déjà féministe

De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’un travail de rédaction individuel effectué en cours de français. Les élèves devaient récupérer des informations avant le cours et disposaient ensuite de 2h en classe pour rédiger.
Résultat, bien qu’« inachevée » – Lola n’a pas eu le temps de la finir dans le temps imparti –, sa rédaction a non seulement impressionné sa professeure de français, mais aussi ses parents et son petit-ami ! Le sujet de sa rédaction : la sexualisation de la femme.

« Ce sujet me révolte depuis des années et je n’ai jamais réussi à trouver une forme d’expression. Je ne peux pas manifester, car dans les alentours où j’habite, il n’y a pas de manifestation. Et je ne peux pas aller à celles organisées à Paris comme avec Nous Toutes, donc c’est assez frustrant. Mes parents seraient ravis que mon texte soit publié et ils m’ont même encouragée. »

Trop timide pour lire son texte devant toute la classe, Lola nous a alors contacté.e.s pour publier son texte. Et au sein de l’Association Française du Féminisme, nous sommes vraiment super fier.e.s qu’elle nous ait choisi.e.s !

Et quelle autre date que le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, pour publier son texte ? Vous le trouverez ci-dessous, sans aucune coupe de notre part.

La gravité de la sexualisation de la femme

Messieurs, messieurs ! Vous qui « contrôlez » la société, les publicités et toutes les choses qui tournent autour. Pourquoi ? Pourquoi sexualisez-vous la femme et la contraignez-vous à être dans des normes pour votre plaisir ? Car c’est ce qui se passe en diffusant des pubs ou autres, qui contiennent « la femme parfaite » sans poil, sans vergeture, avec une taille fine, des hanches larges, des fesses bombées, une poitrine généreuse et évidemment un ventre plat !

Pourquoi faites-vous ceci depuis des siècles ? Même au Moyen-âge, on devait rester jeunes pour votre plaisir. L’éternité n’existe pas, je tiens à vous le dire ! Pourquoi, pour être « jolie », on doit subir des tortures telles que les pieds bandés en Chine, ou l’enchaînement de colliers pour avoir un cou extrêmement long en Afrique, même si c’est au détriment de notre santé.

L’hypersexualisation, le fait d’accorder une place de plus en plus importante à la sexualité dans les espaces publics, entraîne une sexualisation précoce de plus en plus alarmante. Des enfants ont des références sexuelles d’adultes ! Et ce n’est pas normal !

Pourquoi, messieurs, dénigrez-vous, la femme partout ? Comme dans des clips musicaux où des femmes à moitié nues dansent sexuellement autour du rappeur à « l’envier ». N’interprétez pas mal mes paroles, le problème n’est pas le fait que ces femmes dansent ou acceptent d’apparaître dans ce genre de clips. Mais c’est que la société les utilise pour leur profit.

Ensuite, nous avons la télé-réalité qui replace le dénigrement de la femme à un niveau supérieur, le fait que la femme est un « objet sexuel » est bien représenté. Un autre style sur le dénigrement est la pornographie, qui est centré seulement sur le point de vue masculin et où l’on voit une soumission évidente de la femme, qui se traduit par des rapports très violents, non consentis, etc.

Messieurs, savez-vous que chaque année, 50 000 femmes entre 20 et 59 ans sont violées !! Et la moitié de ces viols sont conjugaux, et plus difficiles à faire passer devant un juge car la loi a une sorte de protection sur le couple. À force de sexualiser constamment la gent féminine, les hommes finissent par penser qu’elles sont d’accord pour tout.

En 2019, 99 % des femmes sont victimes de comportements ou d’actes sexistes. Également, suite à toujours voir ce corps et ce visage parfait, elles veulent absolument leur ressembler, même si pour cela, elles doivent dépenser des millions en chirurgie esthétique, ce qui déforme l’identité en quelque sorte.

Pourquoi le viol n’a été reconnu comme un crime seulement en 1980 ? Alors que je suis sûre que cela existait bien avant. Retournons dans le présent, c’est 69,2 % de femmes influencées par les pubs, 82,1 % qui se voient considérer comme des objets.

Parlons maintenant de ma génération, celle qui est sexiste et a une vision ravagée du futur à cause de vidéos pornographiques, réseaux sociaux ou autres.
Messieurs, agissez, observez, voyez comme le monde tourne mal.

 

Note de la rédaction : pour rappel, il s’agissait d’un devoir rédigé en classe que Lola n’a pas eu le temps de terminer, d’où la fin qui peut paraître quelque peu abrupte.

Au sein de l’AFF, on n’a qu’un mot à dire : bravo (et merci) Lola.

Une telle prise de conscience, et aussi jeune, ça force le respect … et surtout ça nous donne beaucoup d’espoir dans le futur. La relève est assurée !

 

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