Acadienne de naissance et Québécoise d’adoption, Antonine Maillet est une dramaturge et romancière dont les romans puisent dans la culture et la tradition orale de la Nouvelle-France. La pièce La Sagouine est son premier grand succès et elle lui permet de se consacrer totalement à l’écriture. C’est avec son septième roman qu’Antonine Maillet obtient une consécration internationale puisque Pélagie-la-Charrette, obtient le prix Goncourt en 1979. C’est alors la première fois que le prix Goncourt est attribué à une personnalité non européenne.
Par Sarah Sauquet
Du Grand Dérangement à la captivante Odyssée : Pélagie-la-Charrette, d’Antonine Maillet
Pélagie-la-Charrette voit son action se situer au XVIIIe siècle, en Acadie, territoire qui appartient à la Nouvelle-France. Sa population est métissée puisque peuplée d’Amérindiens et de colons français qui ont appris à vivre ensemble. En 1755, les Anglais, avides de s’implanter en Acadie, font déporter les Acadiens, en France, en Virginie, en Caroline ou en Géorgie. C’est le traumatisme du Grand Dérangement, un des épisodes les plus sombres de l’histoire du Canada.
L’action de Pélagie-la-Charrette se situe quinze ans après le Grand Dérangement. Déportée depuis 20 ans sur l’île d’Espoir, en Géorgie, Pélagie a dû abandonner ses parents, son mari et son fils aîné. Elle tente de survivre avec ses enfants en étant esclave dans les champs de coton. Hantée par le besoin de retrouver les siens, Pélagie parvient, après avoir économisé, à acheter une charrette et six bœufs, surnommés « les Hussards ».
Avec ses quatre enfants, Pélagie décide de repartir en Acadie. Cette louve au cœur d’or et à la force inébranlable accueille dans sa charrette tous les Acadiens croisés sur sa route parce que « charité bien ordonnée commence par les autres ».
L’analyse de Sarah Sauquet
Le roman retrace l’odyssée de Pélagie et les siens, entre enlisement de la charrette, sécheresse, famine, froid et sacrifice de bœuf. Un périple qui les mènera de Savannah à Baltimore, en passant par Boston et Salem, où Pélagie croit entendre les voix des femmes exécutées au XVIIe siècle pour sorcellerie.
Leur voyage durera dix ans. La charrette de Pélagie devient alors une véritable arche de Noé qui raconte l’histoire de l’humanité, et qui voit se succéder les morts et les naissances. À l’image de celle de la petite Virginie Cormier, appelée ainsi en hommage à la Virginie où elle est née.
Au-delà d’un étonnant portrait de femme, Pélagie-la-Charrette nous convie à une véritable fête du langage. Écrit dans une langue chantante, ancestrale, tout sauf normée, le roman d’Antonine Maillet célèbre palabres, chicanes, l’humour salvateur. Mais aussi la transmission d’une culture par l’oral, puisque la langue est tout ce qu’il nous reste quand nous sommes déraciné.e.s.
Pélagie-la-Charrette, Antonine Maillet, Grasset, 1979
À propos de l’autrice
Professeure de lettres modernes, Sarah Sauquet est, avec sa mère ingénieure, à l’origine de six applications de littérature classique, parmi lesquelles Un texte Un jour. Intervenante lors du TedxCEWomen en 2013, Sarah est également blogueuse, autrice, et elle donne également des conférences sur les liens entre littérature et marketing. Qu’il s’agisse d’enseigner, d’écrire, ou d’animer une communauté digitale, son travail tourne autour d’un même objectif : celui de susciter l’envie de lire des classiques.
Copyright photo : Antonine-Maillet-Le-Devoir-Marie-France-Coallier
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